Promenons-nous dans les bois!
Bonjour !
Donc, hier, je vous avais dit qu’en fouinant dans mes affaires, histoire de les aérer un peu, j’étais tombée sur des clichés qui m’avaient rappelée certains souvenirs d’enfance.
Vous remarquerez que j’ai dit « aérer » et pas « ranger », parce que… et bin, c’est retourné tel quel au fond du placard, trop la flemme de m’y coller, faut dire que je ne sais pas si vous avez fait le compte de tout ce qu’on peut garder dans les placard, mais c’est impressionnant ! Par exemple, je me demande bien ce que fait un ticket de manège vieux comme mes robes dans la boîte, étant donné que ça fait belle « larirette » que j’suis pas montée sur un cochon rose-fluo ou un canasson ricanant de toutes ses raquiches malgré la profonde blessure infligée par la barre de ferraille (mortelle en principe, ce genre de blessure non ?) qui le cloue au plancher du tourniquet (« Même pas mal ! ») ; un string de pied… enfin une tong si vous préférez… en porte clé, bouffé par une souris plastivore ; un étui de cigare en fer blanc (vide) ; des trombones tellement oxydés qu’on attrape le tétanos rien qu’en les regardant ; un appeau pour piaf (le truc qu’on tourne avec la ficelle, comme dans la scène de l’Exorciste II et qui « cui-cuite ») et j’en passe… étant donné que j’ai pas su identifier ce que c’était avant que ça parte directement à la poubelle.
Donc, ces clichés, nous montraient, enfin plutôt mes frangins et une copine en train de jouer les tarzans dans les arbres poussant autour d’un petit étang (moi, je tenais certainement l’appareil). Evidemment, ça a fait "chboum!" tout de suite !
Faut vous expliquer que, lorsqu’on a des frangins, vaut mieux assurer questions défis et ça peut aller très, mais alors très loin !
Un jour donc, avec mes trois frérots, et d’autres copains, on décide de faire une petit virée à vélo (c’était pas trop loin, mais à pattes quand même un peu) dans le secteur.
On avait entendu dire, qu’en prenant tel sentier, on allait tomber sur un trésor. Enfin le genre de trésor dont on était friands, c'est-à-dire une baraque abandonnée (me dites pas que vous n’avez pas adoré, gamins aller fouiner dans les ruines, au cas où Crésus aurait eu la bonne idée de planquer son magot dans les parages ou mieux , qu’un grand bandit style Robin des Bois n’ai pas décidé de transformer le sous-sol du coin en gruyère avec ses passages secrets pour aller voler les friqués pour distribuer aux autres)
On part assez tôt après le déjeuner (carrément avec la dernière bouchée même pas machée dans la goule oui !) et on suit les indications de notre éclaireur. A signaler que c’était la grande mode des mini-vélos et que vu la longueur de nos baguettes chinoises, c’était une sage décision de partir tôt (trois tour de pédales pour une sur une bicyclette normale, ça prend plus de temps !)
On voit bien une pancarte, qui a connu des jours meilleurs, annonçant que ça serait p’tet bien pour notre intégrité physique de pas aller plus loin, étant donné que c’est une propriété privée mais on passe gourde… pardon outre !
L’équipe s’engage donc, avec mon frangin le plus.. paresseux côté pédalage, en queue de peloton, vous savez celui qui crie toujours : « attendez-moi, pas si vite ! J’suis crevé ! » etc.
Le sous-bois est super, juste sauvage comme il faut (plus anarchique et les vélos on les laissait à l’entrée du sentier, gênant, surtout pour la suite !) Les zoziaux gazouillent, les p’tites bêtes bourdonnent, les fleurettes sont sympas… presque «
Soudain on entend dans les fourrés un chambard assez imposant, genre le razorbak du coin en train de faire des roulades dans la luzerne (je sais, ce genre de porcins, on ne les trouve qu’en Australie ; et alors, dans notre imagination on peut avoir la bête qu’on veut dans hautes herbes, c’est ça qui est fun !) On commence à se jeter des regards inquiets, vu que le bruit commence à nous dépasser et à provenir carrément de la direction qu’on s’est fixé, le bout du chemin.
Tout le monde pose pied à terre tend l’oreille et écarquille un maximum les mirettes pour voire ce qui va bien pouvoir débouler des fourrés…King Kong ?
Précision, j’suis en tête avec mon frangin le Leprechaun, et on raterait tous les deux une vache dans un couloir tellement on est miro (évidemment, les lunettes sont restées à la maison, on sait jamais.. avec tout ce qu’on brasse comme air, ça serait pas le moment de les bousiller !) On distingue bien, en fronçant au maximum le nez et en plissant les yeux style chinois constipé, un, enfin plusieurs… trucs sombres qui bougent mais à part ça… le mystère reste entier. Sauf qu’à un moment, les « trucs » commencent à grossir à vue d'oeil (même miro), étant donné qu'ils se rapprochent, toujours en silence jusqu’à ce que le seul frangin qui ait une vision normale lance le cri d’alarme :
« Nom de Zeus ! Des clébards ! »
Comme si les représentants de la gent canine n’attendaient que d’être présentés pour s’exprimer ils commencent à nous aboyer dessus à en perdre leurs poils et surtout, en prenant de la vitesse pour s’approcher de notre groupe cyclo-véhiculé.
Bizarre, mais tout d’un coup, j’ai l’impression d’avoir perdu tous mes os, j’m’imagine déjà tomber avec un grand flop sur le sol, en un tas, style vieux chiffon. Les frangins et copains, ça n’a pas l’air d’être la forme non plus (j’en soupçonne certains de craindre pour l’état de leurs sous vêtements).
Et ça dure… cet instant, ça dure… comme une séquence au ralenti de la bagarre dans « Matrix » de Nero contre les clones des MIB. Le Leprechaun, devant moi, donne le signal de la retraite en faisant tourner bride à sa monture et avec un grand geste du bras style « Ralliez vous à ma casquette anciennement blanche ». Tout le monde fait demi tour et nous repartons, sans nous faire prier, par où nous sommes arrivés.
Alors là, visualisez bien la scène : on repart à fond les gamelles (les chaînes des vélos fument presque sous l’effort de nos guibolles), mais le sens de la file est donc inversé, ce qui fait que c’est mon frangin feignant des mollets qui s’y colle dans le rôle de meneur. Le sentier est tellement étroit, que deux vélos de front, c’est risqué pour l’un des deux… à la réflexion pour les deux cyclistes.
C’est bizarre mais là, la féerie du sous-bois, le côté bucolique de la virée.. complètement disparu ! Un remake, avant l’époque, de « Blair Witch »
Leprechaun et moi, on entend (les oreilles compensent le déficit oculaire) la cavalcade des chiens se rapprocher et, étant donné qu’on est maintenant en queue de peloton, on commence à se répertorier le nombre d’os qu’on a dans le corps, tout en priant les saints du calendrier (et même je crois qu’on en a inventé). En résumé : « on est morts ! »
Et bien figurez vous que, non seulement on ne ressent aucune morsure au valseur ou aux mollets, mais en plus, on voit les chiens courir à notre niveau pour nous dépasser, et remonter « en danseuse » toute la file pour aller goûter du popotin fraternel, celui qui est en tête ! Cherchez l’erreur ! Et l’agressé de couiner de plus belle tout en moulinant des gambettes, nez dans le guidon.
Enfin, les chiens se lassent, crevés de courser une proie piaillante pire qu’un poulet qu’on égorge alors qu’ils n’arrivent même pas à lui choper un bout de couenne tellement les quilles gigotent. On se dit que ça va être notre tour et qu’ils vont tenter d’en choper au moins un de la bande. Et bin non ! Il retournent dans leur fourrés, certainement pour cacher leur honte d’avoir loupé leur raid punitif sur des jeunes sauvageons en quête d’aventure.
Le retour au foyer se fit version « dernier tournant avant l’arrivée du tour de France », tête baissée et sans échanger un mot jusqu’au moment de mettre pied à terre devant le bâtiment.
Conclusion : on a jamais vu cette damnée baraque et si ça se trouve, les chiens continuent d’en garder l’accès, coriaces comme ils l’étaient, ça m’étonnerait pas que ça soit même des droïdes canins !
Voilà la narration d’une folle randonnée cycliste version tribu de dragons. Inutile de vous préciser que ce n’est pas le seul souvenir qu’on ait de cette période !
Bonne journée et à plus.
La dragonne